Dans la caricature, il est habituel de distinguer le portrait caricatural de la caricature de situation. Le premier utilise la déformation physique comme métaphore d'une idée (par exemple dans le portrait politique) ou se limite à l'exagération de caractères physiques (comme dans le portrait d'artiste). Quant à la seconde, par l'intermédiaire d'événements réels ou imaginaires, elle s'attache plus particulièrement aux mœurs ou au comportement de certains groupes humains. Nous nous limiterons ici au portrait caricatural en n'oubliant pas que l'auteur puisse mettre en relief, à travers la peinture d'un individu, certaines habitudes contemporaines. Ce portrait peut concerner les particularités anatomiques d’un être humain (physionomie ou corps), son vêtement ou son corps en action.
Enfin, il nous faut distinguer trois degrés dans le portrait caricatural. Nous parlerons simplement de portrait caricaturallorsque l'écrivain transcrit les laideurs de la réalité, même en les isolant. Ce genre de caricature ne se préoccupe guère de démêler dans un visage d'homme normal ce qui pourrait prêter à une interprétation plaisante et s'adresse plutôt à des modèles anormaux ou monstrueux. Mais, ce procédé ne se réduit pas au simple portrait, car le portraitiste fixe dans une synthèse définitive et globale tous les éléments du modèle. Par contre, le caricaturiste, dans une analyse dissocie tout de suite les éléments qui constituent le modèle et en extrait le ou les détails qui par leur prédominance arrêtent le regard de l‘observateur. Le portrait caricatural procède donc d'une interprétation ou d'un raisonnement (comme par exemple le besoin de traduction symbolique).
Lorsque l'écrivain outre un ou plusieurs défauts existant déjà chez un individu, ce procédé est le portrait-charge. Celui-ci souligne les défauts susceptibles de flétrir ou de disqualifier. Il s'applique à ne préciser de l'original que le trait dominant, celui qui donne la définition du modèle. Souvent même, il ne se contente pas de noter l'anomalie, il la crée au besoin. Ainsi, d’un détail, fondu dans un ensemble, le caricaturiste, en l’isolant, en fait une cause de déséquilibre esthétique.
Enfin, lorsque l'artiste, sans trahir le modèle, rajoute à l'original un défaut ou une déformation voulue, cette création de laideur est alors une occasion d'humour. Il s’agit du portrait humoristique. En effet, la grimace, la déformation voulue et complaisante des traits d'un visage, n'inspire pas au caricaturiste un thème sérieux.
La caricature abonde dans la littérature française, tout particulièrement au XIX°, dans la poésie et le théâtre, mais surtout dans les romans, les contes et les nouvelles. Si la caricature-dessin s'était développée à partir de la Révolution, car elle était une arme de propagande terrible, la littérature, quant à elle, devait pour pouvoir accepter le procédé caricatural trouver un terrain favorable, c'est-à-dire une plus grande liberté, le droit de critique et la faculté de s'affranchir d'un académisme traditionnel et périmé. Le romantisme apportait tout cela, grâce au fameux dogme du sublime et du grotesque (Voir Thème L’humour dans les contes et les nouvelles). D’autre part, si au XIX° siècle, l’école du roman psychologique vivait toujours, l’étude du physique s’associait de plus en plus à celle du moral. En substituant au langage abstrait de la psychologie les images concrètes de la peinture, les écrivains pouvaient atteindre à une plus grande puissance de démonstration et préparer une base plus solide à la peinture psychologique d’un personnage.
Les 13 ouvrages de notre corpus sont assez représentatifs du phénomène Caricature littéraire. Ce sont des romans : ils se prêtent plus facilement à la caricature. L'auteur n'est pas gêné par les règles strictes de la métrique ou de la dramaturgie. Il peut laisser courir sa plume et ménager tous ses effets dans la peinture de ses modèles. Les œuvres étudiées sont celles de Balzac, Flaubert, Renard et Zola, mais il y a aussi de nombreuses caricatures dans celles de Hugo, Daudet, Maupassant, Gautier et Mérimée, proposées sur ce site.
Enfin, comme dans le cadre de ce travail, il est impossible d’étudier de façon exhaustive l’anatomie (étude des différents procédés utilisés et des différents objets) et la physiologie (étude des sujets de prédilection et des objectifs) de la caricature littéraire, nous nous sommes intéressée uniquement aux sujets de prédilection de la caricature littéraire. La caricature est un symptôme social. Elle nous livre l’âme vraie d’une époque, en l’occurrence ici le XIX°, et nous présente une collection complète des types sociaux de cette époque. Ainsi, le caricaturiste garde-t-il l’âge du siècle qu’il a ridiculisé. C’est pourquoi une image lue par le lecteur du XIX° n’a pas forcément le même impact que lue par un lecteur du XXI°. Son code est en effet fonction de la mode ou de tout autre facteur psychologique. Cette remarque reste vraie pour la caricature écrite.
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